Oserai-je ?
Nota : Buster est la carricature de l'auteur, Nicéphore la caricature de Buster. Maman Pestalozza fut la nourrice de Nicéphore.
J'aimerais, mais je n'ose… alors ose, toi qui es l'homme, et viens, viens vite me retrouver… pas d'ami plus d'amant… seule affreusement dans mon grand lit glacé… merveille que ta maison, as-tu déniché cette baignoire, l’y as-tu installée ? La lune est pleine et ronde, d'apparence immobile mais tournant en secret, laiteuse et nous guettant à l'aplomb du Ventoux, toi dans ton bain, moi sur mon lit songeant à toi, cherchant dans la lecture à tromper mon désir mais ce livre m'ennuie, je le jette et me laisse dériver sur la mer démontée de mes draps, fenêtre grande ouverte aux parfums de Paris et l'amante attendant ta venue, abominable attente, haute marée d'amour bien que je n'ose… alors ose, ose paraître et te dresser, venir avec ton chèvrefeuille dans le chaud de mon corps. Entre et referme la porte, fixe-moi d'un regard décidé, empoigne-moi, ou alors… te déshabilles pour moi et nu me considères, moi tournée retournée sur le gril, fondante et cuite à point qui vais crier toute seule, ô mon Buster pourfendeur d'interdits, libérateur de mes désirs de femme ! Mais ma lubricité ne va-t-elle pas t’épouvanter ? Et voudras-tu de moi ? Voudras-tu d'une idiote ? Nicéphore voulez-vous pour épouse Maria Pestalozza, ici présente et consentante ?
— Si je la veux ? Pestalozzi pestalozzo, je la prends et la reprends, nom d'un psychanalyste, la lèche et la relèche, lui défais ses agrafes, lui dégrafe ses effets, ô Voie lactée, et sous mes yeux vois se répandre un amour où je m'enfouis entier, à moi les seins douillets, à moi les profondeurs brûlantes d'où jamais ne sortirai, à moi Marie pleine de grâce et toi petit Jésus laisse-moi prendre ta place, pauvre de moi tombé de la Grande Ourse un jour sombre d'hiver, ni papa ni maman, né de mon propre cri, long hurlement sur la banquise, abominable frustration alors besoin d'un sein, besoin d'un réconfort, Marie réincarnée Pestalozza miracle, miracle d'une liqueur m'envahissant le gosier, bénédiction que ces mains se saisissant de moi, si petit, si fragile… un garçon s'extasie a concierge de l'orphelinat… nourrisson dans les bras de sa nourrice qui l'abreuve et le berce, Apostoli glouglou je peux dodo en paix, viens mon quinquin, viens mon petit pouchin, viens dans mes bras oublier ta détresse.
Je n'ose, a-t-elle écrit de sa main fine et souple, et cependant elle a osé, lettre non seulement rédigée mais aussitôt postée, avec le parfum féminin du piment. Ainsi pour elle a commencé l'attente, mi-closes les paupières et la bouche entrouverte, et ses pensées sur une pente herbeuse où s'effilochent les heures.
Extraits de "Evasion", roman herbeux, psuchanalytique et venté.