Décollage
D’abord, nourris du minimum, vêtus d’étoffes légères et peu soucieux de bagages, les filles démaquillées, les gars débarbouillés, chacun rincé en profondeur et bouchonné, vous allez en souriant, et en fermant les yeux, inspirer longuement par le nez. Mais attention, refusez l’atmosphère qui nous baigne : en plus de l’être par les gaz d’échappement, le gaz moutarde et les fumeroles du diable, elle est polluée par les pensées douteuses de certains potentats, sans parler des effluves grimaçantes des terroristes en burnous, des barbus de tout poil, des invectives rocailleuses et des salamalecs auxquels, par bonheur, nous ne comprenons rien. Alors vraiment, laissez cela derrière vous, puiser l’air le plus loin que vous pourrez, dans les hautes couches de l’atmosphère, en dilatant vos narines de manière à n’en rien laisser perdre. Vous sentirez l’oxygène vous emplir les poumon, vous dilater les bronches tandis que le nez commencera à vous piquer, la tête à vous tourner, et que vous percevrez en vous l’amorce d’un déséquilibre, d’un vacillement qui risquerait de vous jeter bas si vous n’y preniez garde. Vous commencerez alors à expirer mais attention, ne rejetez pas cet ait vicié à la manière des phoques, pour aussitôt le repomper par vos naseaux avides : expirez-le au contraire doucement, en conscience, par la bouche, et soufflez-le au loin, au-delà de votre horizon mental, en visionnant dans les limbes le mécanisme naturel qui le recyclera.
Vous voici seuls à présent devant l’immensité traversée de phosphènes, de démangeaisons, d’agacements de la peau — tous agissements du moi pour refuser que vous ne le quittiez — que deviendrait-il alors dans ce silence et ce vide, sans corps où habiter ? Panique du Moi. Son éloignement provoque en vous une absence, un manque atroce que vous allez nier de votre respiration tranquille, de plus en plus lente, de plus en plus apaisée et sereine, de plus en plus imperceptible à mesure que votre peur s’éloignera, que grandira l’ensoleillement de votre être, que le serpent qui sommeillait en vos tréfonds relèvera la tête pour se hisser le long de votre axe vertébral, ouvrir une à une les portes de votre esprit jusqu’à la cinquième porte, celle du parler vrai, de la parole universelle, de la voix humaine habitée par le Verbe. Immobiles, silencieux, vous vous tiendrez alors dans le divin de votre être, et le concerverez pour vous élever plus haut, nul ne sait encore où, nous abordons le domaine de l’inexploré, de l’aventure à venir, de l’exploration de l’esprit, de l’énergie et des virtualités.
A partir de cet instant vous pourrez laisser choir vos béquilles, ouvrir les bras et les tenir en croix sans qu’il soit nécessaire qu’on vous les cloue sur quelque madrier de martyre. En conservant les yeux fermés au jugement des mortels, confondus à votre être, vous pourrez alors vous dresser sur une jambes, comme le héron cendré vous tenir immobile dans le vent des photons, ouvrir un troisième œil. Savourant alors la continuité de l’espace et du temps, vous verrez à la fois le passé, le présent et l’avenir dans la sphère vibratoire invisible à tout autre que vous.
C’est tout.
Mimi en son immense sagesse, qui marche à vos côtés sur le chemin de la démence vaincue.
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