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3 novembre 2009

Vers les entrailles du globe.

PerleTotenkopf

  Perle Totenkopf - photo X.

Un coup de chiffon suffit à rendre à nos bottes le brillant des beaux jours, et le brossage de nos uniformes à les débarrasser de la poussière risquant d’indisposer le Pouvoir.

Et voilà ! Serviteurs inconditionnels d’un régime en javelle, officiers demeurés à leur poste malgré que tout fût en vrac et que la fierté allemande fût passée à la trappe, nous avons investi, dans la carcasse de la Chancellerie, une salle dont le gigantisme tenait lieu de mouroir à un millier de S.S. sérieusement amochés, dont le remugle des blessures faillit nous jeter bas.

— Courage, kameraden, s’écria Mordekhaï, pris soudain du désir de dynamiser le bataillon s’en allant au cimetière. Courage, Spetznazen und Schweinen ! De nouvelles armes, vous entendez, de nouvelles armes, Allah Akbar ! vous sont livrées en gare de Görl…

A ce moment, une formidable déflagration sonna la fin du monde. Une colonne vacilla, une autre l’imita, si bien que la majeure partie du dôme, haut de vingt mètres, s’effondra sur les agonisants, étouffant râles et gémissements dans un nuage de plâtre, enterrant puanteur et souffrance sous des tonnes de moellons.

— Prévenir Herr Hitler, schnell, postillonna Guturdjieff à l’intention d’un S.S. estourbi qui cependant, recouvrant ses facultés et reconnaissant Himmler en la personne de Cabriolet, nous invita à le suivre. C’est ainsi que nous parvînmes, accompagnés de nos chiens et alourdis d’un armement dont personne ne parut s’inquiéter, devant le blindage où se terrait la Bête.

Mordekhaï a fait feu, notre guide est tombé. Enjambant son corps, Kratzko a frappé au guichet.

— Die Losung, bitte, a demandé une voix.

Le losung à la manque, le putain de mot de passe, nous ne l’avions évidemment pas, du moins pas sur la langue. Non plus que dans nos poches, mais il aurait fallu plus d’une broutille de cette espèce pour nous contraindre à la retraite. Reculant pour nous faire admirer, en Militärmanner huilés et formatés, aux regards affinés par les opérations de sabotage et d’éradication de juifs, Heil Hitler ! avons-nous éructé à la face du destin. Cela en exhibant un H.H. pitoyable, arraisonné alors qu'il tentait de s’enfuir par l’escalier de service, pour preuve le pruneau… attendez qu'on le déloque… voyez le travail !… et vous exigez…

Le judas s’est refermé, des appels ont retenti, puis un martèlement de bottes est monté des abîmes, deux yeux ont clignoté dans le noir du judas.

— Die Losung, bitte. Le Führer l'exige.

— Mais bordel de bordel, s'est emporté Gorbatchev, enfin Guturdjieff. On débarque de l’enfer, trois jours qu'on n'a pas mangé, qu’on n’a pas baisé et qu’on a vu la mort à tous coins de rues, et de la pourriture partout, tout ça pour cette enflure, pour ce Reichsführer à la graisse d’oie, et s'entendre réclamer… die Losung ? — A chier ! Alors va dire à ton Führer, Heil Hitler !, que si jamais tu n'ouvres pas vite fait, son chochotte, on le passe au barbecue. Exécution !

Conciliabule, bottes qui s’en vont et remontent, et de nouveau l'œil noir : « Papieren, bitte ».

On a refilé les Ausweiss d'on ne savait plus qui, on a appris que le Führer frôlait l’attaque, et la porte s'est ouverte sur nous cinq, nos chiens et trois coups de feu, ploc, ploc, ploc, sortis du silencieux de Ladislav. Enjambant trois cadavres, nous nous sommes alors dirigés vers les entrailles du globe.
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