Une gueule, deux gueules, trois gueules…
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Citoyennes, citoyens,
frères et sœurs, amis, camarades, bonjour.
C’est par cette entrée en
matière que je comptais apporter ma pierre à la manifestation auxerroise du 23
mars, organisée par les syndicats pour la défense des retraites et autres
sujets qui nous concernent tous. A noter que le 23 était le surlendemain du 21,
deuxième tour des élections régionales. Le moment paraissait donc on ne peut
mieux choisi.
J’avais tout mis au point
avec mon ami Michel H, militant NPA de mon âge, qui aimerait lui aussi que la
gauche, la vraie, remplace enfin les ventres mous et autres tenants d’un libéralisme
ayant mené notre pays dans le bourbier où il se trouve aujourd’hui. Et ce jour
était d’autant plus favorable que la droite sarkozienne venait de prendre une
claque qui allait la marquer, la faire sans doute se décomposer.
Tout était prêt : la
voiture, les haut-parleurs et le micro, le speech d’ouverture et les cinq
petits textes dont je vous ai donné la teneur ici même. Nous avions même prévu
des séquences musicales : El Pueblo unido… Ma France, de Ferrat… Bella
ciao et quelques autres. Après exhortation
aux syndicats et aux politiques à se rejoindre et s’unir dans une lutte sans
faiblesse contre ceux qui nous mènent à la ruine, ces chants vous auraient eu
de la gueule.
Hélas la gueule qui se
manifesta ne fut pas celle que nous attendions.
D’abord, notre voiture
sono est demeurée dans le parking des syndicats : d’après quelques
copains, il ne fallait surtout pas mêler syndicalisme et politique.
Ensuite, notre
intervention n’avait pas été ratifiée “démocratiquement“ par l’ensemble des
supporters de L’autre Gauche en Bourgogne… Ce qui nous a permis, à une
ex-enseignante ex-militante de la Ligue Communiste Révolutionnaire, présentement
en retraite, ainsi qu’à moi-même, de nous engueuler pour la question de la
démocratie — son argument étant qu’il fallait que le peuple décide, le mien que
la droite nous avait déclaré la guerre et que la démocratie, tant que nous
n’aurions pas remporté la victoire, devait être mise de côté au profit du
combat. Le meilleur exemple que j’aie pu lui fournir fut celui du maréchal
Pétain, porté au pouvoir par les représentants du peuple. Cette dame me fait à
présent la gueule, et je n’aime pas sa gueule.
Ensuite, je ne sais plus,
je me souviens juste de cinq cents clampins grisonnants défilant en traînant la
savate au rythme d’une musique US, de l’étonnement d’un responsable syndical
découvrant notre voiture et notre sono, qu’il n’avait ni vues ni entendues, au
retour de la manif.
Depuis, tout le monde au
PG, au NPA, au PC et à la FASE… oui, tout le monde ou presque me fait la
gueule.
Me voici donc sur le point de prendre le maquis.
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Et maintenant, en souvenir d’une exhortation mort-née…
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et
bonjour à vous, militants syndicaux qui avez à juste titre organisé cette manifestation.
A
juste titre, en effet : le gouvernement Fillon vous écoute, c’est vrai, mais il refuse de vous entendre. Il vous refuse la moindre justice
sociale.
Votre
gouvernement actuel, allié aux sociaux-libéraux, refuse
d’entendre la voix du peuple que vous formez. Alors vous voici dans la rue, peuple d’une France
méprisée. Et nous voici à vos côtés, nous, partis de gauche bien résolus à vous défendre, à vous accompagner dans les luttes contre les détenteurs et les voleurs de la richesse commune.
La
droite vous dit, à vous : le syndicalisme n’a rien à voir avec la politique. Et elle nous murmure à nous, cette même
droite : laissez les syndicats se débrouiller seuls, ils sont
majeurs.
Pour
mieux régner, on cherche ainsi à nous diviser. Car Majeurs, vous l’êtes, et majeurs, nous le sommes. C’est
pourquoi nous refusons d’être menés par ceux qui nous méprisent, d’être tondus par les multinationales qui font
fortune sur notre dos.
Par
bonheur, la réalité qui s’impose aujourd’hui est à l’opposé du rêve des puissants
et des riches. Les politiques ont
désormais besoin de la puissance des syndicats, et les salariés, s’ils veulent se faire entendre, ont besoin de
l’expérience et de l’appui des politiques.
Syndicalistes
+ politiques = armée du peuple = Front Populaire, progrès social, émancipation de
chacun.
Nous
avons voté, mais cela ne servira à
rien : Sarkozy et Fillon ont les oreilles bouchées.
La
lutte va continuer, la lutte va
s’amplifier.
Nous
voici aujourd’hui cinq cents, nous
serons cinq mille demain,
après-demain des millions.
Et nous serons in-vin-cibles.
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