Une carte postale toujours d'actualité
En réponse au dernier commentaire de Lidia
Il n’est pas sûr, chère Lidia, que nous n’osions regarder les atrocités de nos anciens ennemis. Les exactions guerrières, d’où qu’elles proviennent, sont certes pénibles à évoquer, mais celles d’autrui, qui ne nous concernent qu’en tant que témoins, victimes ou juges, et non en tant qu’acteurs (nous nous situons du “bon côté“ de la barrière séparant le bien du mal), devraient au contraire nous permettre d’affirmer, en l’occurrence au sujet,des nazis : ces gens-là n’étaient que des brutes — entre parenthèses nous sommes des gens civilisés, nous — et de nous contempler avec satisfaction.
Or, toujours dans le cas des nazis, leurs principales exactions ont été étalées sur la place publique dès la libération et la découverte des camps. Ensuite, jusqu’au procès Eichmann, s’est établi une forme de sommeil de la conscience, lequel a volé en éclat à la sortie de “Shoah“, le film de Jacques Lanzmann. Ce jour-là, nombre de citoyens d’Europe ont pris en pleine figure la réalité de ce qui s’était réellement passé. Et puis la faculté d’indignation est retombée durant quelques années, jusqu’au soixantième anniversaire de la libération d’Auschwitz, occasion pour nombre de chaînes de télévision, assoiffées d’audimat, d’aller un peu plus loin que précédemment dans la révélation de faits qui ne peuvent que révolter.
C’est à l’évocation d’Oradour par je ne sais plus quelle chaîne que j’ai réalisé, dans mon âme et ma chair que nous ne voulions pas, nous autres Français, savoir ce qui s’était réellement passé.
Je te raconte…
La veille du massacre programmée, réunion à Limoges de gradés de la division das Reich et de représentants de la Milice. Le lendemain, à quelques heures d’investir Oradour, nouvelle entrevue, cette fois à St Junien, distant de quelques kilomètres de la cible, entre ces mêmes nazis et ces mêmes miliciens, ou leurs clones.
C’était un samedi ensoleillé du joli mois de juin, dans la vallée de la Glane. Quelques heures plus tard ne restait rien du village ni de ces habitants. Rien que des pans de murs, des voitures calcinées et plus de six cent quarante cadavres.
Que s’était-il tramé à Limoges et à St Junien entre Waffen S.S. et “patriotes“ Français ? La question ne fut jamais posée, du moins en public.
Alors, plutôt que la vérité qui nous contraindrait à nous remettre en question, ne préférons-nous pas regarder ailleurs ? Sinon, pourquoi n’avons-nous pas exigé l’extradition de Heinz Barth ?
Mais j’oubliais : il y eut en France, durant l’occupation, beaucoup plus de suppôts de l’hitlérisme et de collaborateurs que de résistants…
P.S. : Heinz Barth n’en était pas à son coup d’essai ; il avait également sévi à Lidice, en Tchécoslovaquie, un 10 juin, deux ans exactement avant Oradour. Et la même façon de procéder : mitraillette, lance flammes, les survivants jetés au fond des puits.