De la suite dans les idées
Des tours phalliques du grand Satan (que de symboles dans cette image de destruction), nous sommes naturellement passés au veau d’or. Puis, sans doute par dégoût tant de l’or que du veau, nous en sommes arrivés au scribe des Egyptiens. Revenus à la grogne financière, nous avons alors débouché sur la splendide figure de Serge Dassault, qui porte le génie français dans l’espace aérien. Et tous ces tours, ces détours, ces contorsions à partir de cette simple remarque : l’avenir de l’homme empruntera désormais le chemin du développement mental !
C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées, être capable de se plier aux accidents de l’actualité sans pour autant lâcher le fil de la logique.
Ici une parenthèse : si j’ai préféré Serge Dassault, héritier d’industries paternelles, à ce symbole incontestable de la réussite qu’est Bernard Arnault, première fortune de France, c’est que le gars Dassault, venu au monde avec la burette main gauche, la clé à molette à main droite, est autrement plus proche de nous, par le look de mécano qui ne le quittera jamais (donc à nos yeux autrement plus abordable) que le patron de LVMH, empereur précieux et cosmopolite auquel il ne viendrait à l’idée de personne d’offrir une rondelle de saucisson. En ce qui le concerne, pas de rééducation possible. Ce sera la porte, à moins qu’il ne préfère la corde.
C’est là que nous retrouvons le fil de notre raisonnement : le développement mental de l’homme…
En particulier le développement intellectuel et psychique de chacun d’entre nous, c’est-à-dire l’accès de chacun d’entre nous à l’immensité de l’univers, et simultanément à son immensité à lui, aux gigantesques espaces dont le législateur, le financier et le bonimenteur, infatigables concepteurs d’une démocratie marchande obstruant l’horizon, lui ont jusqu’à présent dissimulé l’accès — quand ils ne le lui ont pas carrément interdit par le biais de la publicité et du crédit, de la disette et du sous-emploi.
Comment parvenir à cette libération mentale ?
Au niveau de la société, une révolution s’impose. Et pas seulement un changement de régime dans un pays quelconque, le nôtre par exemple, mais un changement à l’échelle planétaire.
Difficile, par les temps qui courent, encore que les craquements actuels nous rapprochent de lendemains qui continuent de chanter en nous. Mais puis qui dit révolution dit aussitôt réplique, c’est-à-dire CRS et canons en batterie devant les barricades, rétablissement autoritaire de l’ordre. Et le ministre de l’Intérieur de faire passer les engins de nettoyage.
Cette révolution que nous souhaitons, nous autres gens du peuple, depuis des siècles et des siècles, gardons-la donc en mémoire, ne tentons pas de la provoquer. Nous n’avons pas suffisamment souffert, la faim nous laisse encore tranquille, nous ne sommes guère motivés.
Alors asseyons-nous, et que chacun à sa manière découvre en son intimité la vastitude dont je parlais plus haut. Maintenant permettez-moi de m’éloigner — oh pas longtemps — simplement jusqu’à demain : le charivari de ces derniers jours m’a fatigué, moi aussi.