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23 octobre 2011

Vendredi 21


gamin debout    
Soirée littéraire chez mon ami Laurent, poète et écrivain, engagé présentement dans la rédaction d’un bouquin sur le naufrage inénarrable qui accueille en fanfare le millénaire naissant. Nous étions une bonne quinzaine à avoir répondu à son invitation, mais il ne fut question ni de finance ni de politique, encore que l’ouvrage présenté, dont Laurent nous lut la majeure partie tandis que dans sa cheminée s’alanguissait les flammes, résonnât, tant dans la France d’Henri II que dans l’Europe de Nicolas Sarkozy, d’une actualité brûlante. Il s’agissait en effet du Discours sur la servitude volontaire, rédigé en 1549 par Etienne de La Boétie, alors âgé de 18 ans.

    Passons sur les siècles allègrement franchis par la modernité de l’œuvre, passons également sur la jeunesse de son auteur et voyons la question que ce texte nous pose : Pourquoi un seul peut-il gouverner un million alors qu’il suffirait à ce million de dire Non pour que le gouvernement disparaisse ? M’est alors revenu cette idée, précédemment exprimée dans ma “Lettre ouverte“, à savoir que l’humanité, comme les individus qui en sont les cellules, les atomes dotés d’une existence propre encore qu’ils lui soient liés, et réciproquement, a franchi un à un les paliers qui l’ont menée des vagissement de sa prime enfance au stade qu’elle atteint aujourd’hui.

     Je me disais que nous en étions actuellement à l’adolescence, dont je situais les premiers bourgeonnements aux alentours de la Révolution, autrement dit de l’éclosion mentale au cours de laquelle nous nous sommes dressés devant notre roi (symbole du père), l’avons défié et, acte freudien par excellence, l’avons tué comme on tue justement le “père“. D’où une soudaine autonomie, sa mise en place définitive survenant quant à elle aux alentours de la révolution industrielle, soit cinquante ans plus tard. Or, dans ce bel arrangement, j’oubliais que rien, à l’échelle d’une entité aussi vaste et complexe que l’espèce humaine, ne s’accomplit à une telle vitesse, ni aussi simplement. Et voilà que La Boétie, par sa question posée d’une voix douce, me contraignait à revoir ma théorie, du moins dans son détail. Changeant d’échelle, revenant à l’individu que je suis (que j’ai donc pu observer de l’intérieur), et le voyant, lui, jeune homme de 18 ans, capable d’une dissertation que peu de nos contemporains seraient capables de mener avec un tel brio et conduire à son terme, je me suis dit que si l’adolescence, sur le plan psychique, démarre à la première révolte contre l’autorité, il nous fallait remonter à Spartacus pour voir s’effectuer le premier pas hors de notre enfance, porter un premier regard sur notre condition, analyser nos sociétés, envisager de les transformer pour plus d’égalité, et de justice.

    Dans cette optique, n’est-il pas remarquable que cette révolte d’esclaves, qui a si bien marqué les esprits qu’elle continue de nous inspirer, ait précédé de moins d’un siècle l’apparition d’un Christ en appelant au partage ? Et que ce premier signe de mûrissement ait mis deux mille ans pour se muer en l’adolescence qui est nôtre aujourd’hui ?

     La soi-disant démocratie, autrement dit la concession qu’ont accordée aux peuples, en vue de mieux dissimuler leurs prédations, les héritiers et successeurs des tyrannies anciennes, en un mot l’ultime volonté de chefs d'état à l’agonie, va désormais se transformer, s’étendre aux domaines dont fut privée la vraie démocratie, ou souveraineté des peuples. Entendez la gouvernance de la production, des banques et des armées.

    Combien de temps me fallut-il, à moi, pollen humain  ballotté par les vents du hasard, pour passer sans m’en apercevoir des châteaux de sable, puis des jeux de cow-boys et d’indiens de mes vacances,  à la prise en charge de mon destin ?

     Aucun enfant ne naît esclave. Il subit sans s'en rendre compte l’autorité de ses parents d’abord, celle de ses maîtres ensuite. Jusqu’au jour où, suffisamment formé, il se juge assez fort pour voler de ses propres ailes.

     “Discours sur la servitude volontaire“ ?

     Trop de pessimisme dans ce titre. Nous dirions à présent “Discours sur l’émancipation, l’évolution brouillonne  des sociétés humaines“.

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