Famines, misère et mascarade
Je ne sais si ma paresse est due au passage de l’hiver au printemps, au choc des civilisations ou encore au changement climatique, mais je rechigne à sortir de mon lit. J’interroge le réveil, je tire un bras de sous la couette et j’allume la radio, mais pas question d’en faire plus. Ce matin, sur France Inter, Edgard Pisani, 90 ans, ancien ministre de l’agriculture, et gaulliste de gauche …
Si vous le voulez bien, une courte digression.
Ce qu’il y a de consternant dans nos sociétés dirigées par experts, énarques et autres incapables ( oublions pour l’instant les malfrats et menteurs qui se sont emparés du pouvoir), c’est notre faculté de nous boucher les oreilles à la voix de l’intuition, au balbutiement de cette partie de notre esprit qui nous invite à ouvrir les yeux, nous désigne l’abîme vers lesquels nous glissons, le mur inébranlable qui nous attend au bout de notre ligne droite, pauvres moutons que nous sommes.
Eh bien Edgard Pisani, dans le train qui nous a menés de notre victoire sur le nazisme à la dégradation actuelle de notre société, peut-être à la ruine de notre civilisation, de l’espèce humaine et de la terre entière, a toujours tiré la sonnette d’alarme. Mais qui a su l’entendre ?
Pas les maîtres de forge, ni les barons de l’agro-alimentaire, qui se sont à ce point empiffrés qu’ils n’entrent plus dans leurs chausses. Ni les agriculteurs, protégés des guêpes dans les cabines climatisées de leurs mécaniques nourricières, qui donnent du grain à moudre aux fabricants de ces insecticides et pesticides qu’ils ne cessent de répandre et dont nous sommes friands, nous autres que la crise inquiète. Il faut dire que nos décideurs, dans l’expansion exponentielle de leurs chiffres d’affaire, se fichaient à l’époque de l’avenir de l’humanité : ils étaient occupés à se remplir le ventre à la mamelle des peuples. Et ils n’ont pas changé : ils sont toujours occupés à pomper, avec fougue, de plus avec le cynisme qu’on sait.
Ni les intellectuels, occupés avant tout, comme le sont Bernard-Henri Lévy, Alain Jupée et Jean d’O , de la blancheur de leur chemise , de leur gloire personnelle et de leur nœud de cravate.
Ni le cadre de PSA, qui n’a pas le temps de lever les yeux de son ordinateur tant son boulot le passionne.
Ni l’ouvrier de Renault, auquel on fait croire que son patron se bat jour et nuit pour lui décrocher des commandes et pouvoir le nourrir, et faire en sorte qu’il ait de quoi s’acheter lui aussi sa bagnole, et qu’il ait son appart’ et son écran plat, comme son chef, et qu’il reçoive la HD, et bla et bla et bla…
Eh bien nous voici dans de beaux draps. Car tandis que les algues vertes prolifèrent en Bretagne, 900 millions d’hommes n’ont pas de quoi se nourrir. Mieux encore, 15 personnes, avant tout des enfants, meurent de faim chaque minute que Dieu fait. Et la razzia de se poursuivre, de s’amplifier le pillage tandis qu’on vend des armes à qui demeure le ventre vide !
Mais comment se fait-il, demandait naïvement le journaliste de France-Inter, que personne à part vous, monsieur Pisani, ne se soit inquiété de fournir des charrues à ces gens ?
Certaines personnes y songent, ai-je eu envie de répondre à ce brave journaliste. Mais quel est le média, en ce bal des énarques et des gens bien, qui oserait parler publiquement de charrues ?
Pour changer de sujet, du moins faire semblant… : nous avions hier soir réunion du PG de notre département. A deux mois de notre première échéance électorale, nous nous sommes penchés sur un formulaire à remplir .
Bla bla, une heure de réunion, 80km aller-retour, la nausée.
Comme l’a chanté Ferré, nous vivons une époque moderne.
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