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5 juillet 2008

La bonne conduite

  la_sicile 

    Cinq cents kilomètres aujourd'hui en pilotage automatique — ma manière personnelle de pratiquer le yoga dans l'envol des distances : l'œil grand ouvert capte l'information, la dirige aussitôt vers la zone du cerveau dévolue au traitement des données immédiates, données aussitôt muées en ordres, ordres illico retransmis par les fibres nerveuses aux muscles conducteurs, lesquels agissent sur le pied, le bras négociateur des courbes et le petit doigt chargé du clignotant, sans que l'esprit s'en mêle. La maîtrise des soupapes, de l'admission des gaz et de la pression des fluides sur les mâchoires des freins devient de la sorte une tâche secondaire, comme il en est de la calligraphie pour la main poétesse, et la conduite s'écrit dans l'élégance des pleins et des déliés, des retours à la ligne, avec une déconcertante aisance qui permet à l'esprit, déchargé des soucis de matière (ainsi que de lui-même), de s'élever au fil des kilomètres, de se déployer dans une sphère dont le diamètre s'élargit à mesure que l'abreuvent pensées et paysages, monologues intérieurs, discours aux populations assemblées des villages, sourires à l'être aimé, perception de sa voix dans le chuintement des pneus, de son regard dans le poli des capots et des ailes, de la grâce de son geste dans le dépassement véloce de véhicules en files trébuchantes…

    Vous dire, muse inquiétée par l'aiguille du compteur, qu'il m'aurait fallu un millier d'électrodes plantées dans le cuir chevelu, de vingt rames de papier, de dix imprimantes en batterie pour vous transmettre ne serait-ce que le centième de ce voyage en transcendance, tout occupé de vous. Qui d'autre que vous pouvait en effet me comprendre, m'accompagner en ces changements souples de cap, ces brusques ascensions, ces orgueilleux planés au-dessus des prairies, des forêts et des villes ? Vers quel autre visage aurais-je pu me tourner en ces heures éblouies ? Légère et amusée, vous me teniez entre vos mains, sur une île en plein ciel.

Extrait de Viendrez-vous ?
Toile de Nicolas de Staël

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Commentaires
M
Pivoine, je suis très touché !
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S
Je suis encore avec Judith et Clarisse...essayant de décoder vos bouffées érotiques.
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P
Cela me plaît beaucoup. Surtout le dernier paragraphe, le discours à la muse...
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