HYMNE A LA JOIE
Pablo Picasso - Guernica
Alors que l’été continue de nous sourire, que le jus de la pêche, de la tomate et de la vigne ruisselle sur les mentons de nos enfants, qu’entendons-nous à nos frontières, que voyons-nous à deux pas de chez nous? Nous percevons des fracas de blindés, des hurlements de chevaux et de jeunes filles traquées dans les fumées de l’invasion, et l’on rapporte que des bandes armées, avec la bénédiction des soudards de Poutine et de leur commandement en chef, sévissent en Ossétie, incendient les maisons géorgiennes, violent, massacrent, pillent, à l’image des Einsatzgruppen de la guerre précédente, qui œuvraient quant à eux en Ukraine, et s’en prenaient aux sous-individus qu’étaient les Juifs de cette glorieuse époque
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Deux millions de morts ont fait ces salopards, comblant de leurs exploits les charniers du nazisme.
Les nazis ont vécu, et nous les oublierions avec plaisir si leurs émules, clones et avatars ne refaisaient surface à intervalles de plus en plus rapprochés, comme au Vietnam et en Algérie voici quelques décennies, comme au Rwanda plus récemment, et comme en Bosnie, comme au Tchad, comme aujourd’hui sur la Mer Noire. Poutine et son homme de paille auraient-ils pour objectif d’annexer cette région, ce qui permettrait à leur nouvel empire de copiner avec les Turcs ? Il est permis de le supposer, car le gars Poutine, qui a brillé dans les arcanes du KGB, est loin d’être le rustre que fut feu son prédécesseur. Rasé de frais, propre sur lui et sobre, tel nous apparaît-il au balcon du Kremlin…
Seulement, sous son aspect impeccable, ce gentil petit Tsar nous cache des appétits de fauve. Si Busch se prend pour Number One, Sarko pour un des deux Napoléon et Berlusco pour miss Monde, lui, Poutine, se rêve au moins l’égal de Gengis Kahn. Et vous allez voir, il va se rapprocher de Pékin, profiter des hésitations de l’Europe pour recevoir Atatürk en grande pompe, pousser délicatement ses pions dans le capharnaüm où se débattent démocraties et ongs occidentales.
Misère, misère, misère !… Je n’ai pas suivi l’enseignement des écoles, je n’ai pas l’ombre des diplômes d’une Elise Overt-Baratte qui, elle, a fait Sciences Po, mais je me dis que quelque chose ne tourne pas rond dans le concert des nations. J’y perçois même des couacs, et je redoute que l’Hymne à la Joie ne se transforme sous peu en cris de femmes et hurlement de chevaux.
Car nous voici, à mon humble avis, dans les arrière-cuisines d’une vision planétaire de notre humanité, autant dire à deux doigts de la fosse. Fosse d’orchestre, fosse commune ou fosse à ordure ? Qu’importe, là n’est pas le sujet.
Le sujet est le suivant, frères et sœurs attentifs : de quelle manière nous en tirer, nous et notre descendance ?
De quelle manière, nous qui sommes l’aboutissement de millénaires de tueries et de fêtes, de saillies éhontées suivies de génuflexions devant le beau, de retrait prudents succédant à de magnifiques envolées, demeurer sur l’échelle qui nous conduit à Dieu — ou, pour ceux qui refusent de croire, nous mène à notre épanouissement ?
C’est ce que nous verrons demain, mes chers pénitents. Il est bientôt midi, les fourchettes nous attendent. Refermez vos cahiers, rangez vos affaires et mettez-vous en rang. Je vous souhaite un bel après-midi.