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29 octobre 2009

Honneur et P38

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Parvenus le lendemain à la croisée des routes de Mikolow et Pszczyna, en queue de la gigantesque cohorte dont un millier de participants, dépouillées de leurs pelures sitôt quitté ce monde, gisaient déjà ici et là, nous avons opté pour la direction de Bielsko-Biala, plus accueillante à première vue que celle de Gliwice et Wroclaw. Peut-être nous trompions-nous, mais difficile d’en juger car les attaques et contre-attaques des différentes armées, d’après la BBC, faisaient rage tant au sud qu’au septentrion, et les campagnes n'étaient pas mieux loties que les villes : partout des bombardiers, en vertu de quoi effondrement de ponts, déviations à n’en plus finir, soldats et déserteurs n’y comprenant plus rien… Et puis il nous parut que la montagne offrirait de meilleures opportunités que la plaine. Nous projetions d’y enfouir nos sacs, de venir les reprendre sitôt le Führer au trou.

Seuls à présent en compagnie d’un commandant qui ne commandait plus, nous dérivions parmi des paysages que maintenait sous sa griffe la svastika du radiateur. Nous aurions volontiers arraché ce symbole, aurions de même éjecté le père Höss, tant son opacité nous devenait pesante. Mais tant que le cessez-le-feu n’aurait pas retenti, nous ne pouvions souhaiter meilleur laissez-passer.

Papieren, bitte… Ah, Rudolf Höss, der Kommandant des grobe Konzentrationslager Auschwitz ? Heil Hitler ! ya, ya, gut, hé hé ! und gut Reise, Herren… mais ce n'était que rêve. Vautrés dans un néant moelleux alors que des milliers de nos semblables pataugeaient dans la neige et retournaient leurs poches pour ne rien y pêcher, nous avions le moral en chute libre. Et ce ne sont pas les butors des jeunesses hitlériennes dont une demi-douzaine, armée de fusils de la Grande Guerre, venait de surgir devant nous, qui purent le remonter. Nous leur conseillâmes de filer, mais les gamins se cramponnaient à leur pétoire avec une telle foi en leur avenir que je me résignai à en descendre quelques-uns — treize ans, quatorze à tout casser, à peine un poil sur le menton mais des allures de fauve, et maintenant de cadavres dont les marcheurs s’appropriaient les fripes, les bottes, le fric et les Auschweiss…

Comment le peuple allemand, qui comptait autrefois tant de poètes et de penseurs, n’avait-il pas compris que le Juif, répugnant à force de courber l'échine, devait cela au S.S. qu’amusait sa terreur ? Et comment la majorité des Allemands, au seuil de la défaite, pouvait-elle continuer d‘ignorer l’état des miséreux qu'on poussait vers des camps, puis d'autres camps et encore d'autres jusqu'à ce qu'il n'existât plus de camps, ni de mourants, ni de populace allemande, ni d’Allemagne, ni rien… On voyait des marmots abandonner leur pouce et se mettre au service de Satan, des mères s’enlaidir à frapper la boiteuse qui ne les saluait pas. De moins en moins de dignité chez le péquin de la rue, rien que des bonnes femmes qui empoignaient le balai pour se venger de leur propre abjection sur l’échine du marcheur, puis désignaient le malheureux au cochon qu'elles souhaitaient pour gendre. Et à chaque fille son assassin — mais chut, laisser le silence veiller sur la vertu des chiennes, laisser les chiennes dans la contemplation du veau tirant son P 38, visant la guenon harassée et pressant la détente.

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Commentaires
B
C'est ta minute à toi* de lecture historique dans les écoles républicaines pour la Toussaint?<br /> <br /> Baltha<br /> (*)si tu vois ce que je veux dire.
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